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Être le gardien de son frère et plus encore...

Dernière mise à jour : 8 févr. 2022


Crédit photo ®Iyanla Fix My Life


Il y a peu de temps, je parcourais mon fil d’actualité sur Instagram et comme à chaque fois, je balayais de bas en haut les pages, afin de tomber sur du contenu qui aurait de l’intérêt pour moi à ce moment-là. Par là, je parle de choses diverses: images ou vidéos cocasses, quelques pages de célébrités auxquelles j’accorde des likes, des photos de voyage (Dieu! Que j’aime ça), qui me permettent de m’évader, et j’en passe. Depuis quelques années maintenant, je suis très intéressé par du contenu « Noir », comprenez quand je dis cela, que les comptes qui mettent en avant des personnes célèbres noires d’horizons divers, mais aussi des gens tout à fait normaux (rien de péjoratif ici), des photographes amateurs, des pages axées sur l’histoire par exemple de nombreux pays africains, ont de plus en plus la primeur en matière de la consommation de mes datas. Par ce biais-là, je suis à tout hasard tombé sur une vidéo dans laquelle deux hommes noirs avaient un échange verbal, que j’ai trouvé non seulement gracieux, mais aussi galvanisant et très inspirant. Je m’explique.


Il s’agit d’une vidéo courte de moins d’une minute, dans laquelle un des deux (qui semble plus âgé), fait des compliments à son interlocuteur, qui lui en retour - je pense par automatisme - refuse d’accepter les compliments en question. Le premier, lui dit, et je paraphrase, ‘tu es un véritable héros’. Et l’autre de lui répondre immédiatement ‘non, c’est toi le héros’. A ce moment-là, le premier l’arrête dans son élan, et lui dit, lui impose même, de recevoir le compliment, car il le mérite, plus qu’amplement. Je sens à cet instant une certaine tension positive via la vidéo, bien sûr, provoquée en partie par le fond sonore, bien placé par la personne qui détient le compte Instagram en question. Mais peu importe ce petit artifice, je ressens clairement que le plus jeune, ne sait pas trop quoi faire. Alors, l’autre renchérit - une fois de plus, je paraphrase -, en lui faisant comprendre qu’il faut cesser d’être dans la posture qui veut qu’en tant qu’homme et homme noir, on soit gêné par des compliments, qu’on se refuse à les accepter, à les accueillir, car, nous le valons bien (toute référence à une phrase déposée qui ressemble à celle-ci, est fortuite donc, continuons). Il lui fait comprendre en quelques secondes dans la vidéo, qu’il est lui aussi un héros, de par ce qu’il fait au quotidien. Dans son métier, ses activités, ses échanges avec sa communauté et la manière dont il agit. Il lui fait comprendre qu’il faut à tout prix se dire ces mots, ces mots qui font du bien car, on ne se le dit pas souvent. Il met l’accent ici, sur le fait que ces échanges positifs et galvanisants, ne sont que très rares dans notre communauté. J’ai été bouleversé par cette petite vidéo et ai remercié les algorithmes magiques de cette plateforme, de l’avoir mise sur mon chemin.


Pourquoi cette vidéo m’a t-elle mis dans cet état? La raison est simple: elle était poignante de vérités et très factuelle. Elle était magique, subtile, juste et éclairée. Elle a mis le doigt sur un sujet précis et important, qui est celui de la nécessité pour les hommes noirs de se sentir valorisés, aimés et appréciés à leur juste valeur. Ne vous y méprenez pas, lorsque je parle ici de valeur. Celle-ci n’a rien à voir avec le fait de flatter l’égo, de gonfler d’orgueil mal placé le premier quidam, ou de faire des hommes noirs par ce procédé, des êtres pompeux à qui tout est dû, dont les plus beaux et les plus enivrants compliments. Non, il ne s’agit pas de ça. Il est question ici de parler à leur âme, de lui susurrer ces mots qui lui manquent, ces mots qui vont panser des plaies invisibles mais tellement profondes et ancrées dans leur chair. Il s’agit de faire jaillir le beau, le pur, le bien et le sentiment d’exister en tant que personne belle, en tant qu’être méritant cet amour qui trop souvent nous fait défaut. Cet amour qui malheureusement comme je le soulignais plus haut, est rare et dont la présence et l’affirmation sont une volupté de sentiments bienveillants.


Je me suis rendu compte à quel point entre nous, hommes noirs, des scènes telles que celles-là n’existent que peu, voire pas du tout. Et ce depuis la tendre enfance. Soyons honnêtes, notamment les hommes qui me liront. Avez-vous souvenir d’avoir reçu des compliments à la pelle? Sur votre intelligence? Votre générosité? Votre sens du dévouement? Votre résilience? Votre courage ? Votre capacité d’affronter des épreuves et d’en ressortir grandi? Votre patience? Votre capacité à accorder du temps aux autres? Votre sérieux? Votre sens de l’organisation? Votre passion? Vos passions et la manière dont vous les vivez? Votre sensibilité? Votre amour du prochain? Votre sens de l’éthique? Votre morale? Votre bienséance? Votre style? Vos manières ? Votre goût du beau? Votre épicurisme? Votre sens des responsabilités et la charge psychologique qui va avec? Votre désir d’être meilleur et donc, de vous améliorer? Vos réussites personnelles, quelles qu’elles soient? Vos réussites académiques et ces nombreux diplômes que vous avez accumulés? Votre sens de la débrouillardise, et votre capacité à avoir émergé malgré de nombreux obstacles dont le manque d’accès aux opportunités? Votre réussite professionnelle? Votre réussite commerciale et cette petite affaire qui tant bien que mal, vous avez réussi à mettre sur pied? Votre hargne de réussir malgré tout? Votre sourire que vous avez gardé malgré toutes les difficultés que vous avez traversées et qui ont fait de vous la personne que vous êtes aujourd’hui? Votre capacité à maintenir du lien social? Votre capacité à être un père alors que personne ne vous a donné de manuel sur la manière d’en être un bon? Votre capacité à être un frère alors qu’il est difficile de savoir comment se positionner dans une fratrie et d’y exister? Votre sens de l’amitié et le temps que vous accordez à ces compagnons de vie que vous avez choisis? Votre vulnérabilité? Vos faiblesses et votre capacité à les reconnaitre? Votre capacité à reconnaître vos torts et à tout mettre en oeuvre pour les faire disparaitre? Votre capacité à aimer, à aimer même sans retour? Votre force dans l’échec, l’échec académique, professionnel, personnel, émotionnel et affectif? Votre magnanimité face à certaines situations qui demande un sang des plus froids? Votre capacité à guérir des blessures les plus profondes ou de continuer à vivre malgré les douleurs que celles qui n’ont pas guéri continuent d’infliger? Votre dévotion, celle qui se matérialise dans ce que vous faites et à ceux que vous aimez? Votre capacité à ne pas savoir et à dire que vous ne savez pas? Votre capacité à reconnaitre que vous n’allez pas bien et à demander de l’aide? Votre capacité à reconnaître vos faiblesses et à chercher une main qui vous guidera? Votre capacité à être un homme mais aussi, votre capacité à rester connecté au petit garçon que vous avez été, et qui sera toujours une partie de vous; ce petit garçon qui parfois a grandi trop vite car la vie ne lui a pas laissé le temps de jouir de son innocence; ce petit garçon qui trop tôt est devenu adulte sous la pression d’une société qui ne le comprenait pas et qui s’attelait à ne pas le comprendre? Ce petit garçon qui n’a pas su faire les bons choix car il n’a pas été guidé comme il fallait par celles et ceux qui savaient mieux mais qui par égoïsme ou par ignorance ne lui ont pas appris ce qu’il fallait? Ce petit garçon qui est devenu beau, fort, et qui a essuyé les railleries, les quolibets et s’en est tout de même sorti? Ce petit garçon qui est fier de l’homme qu’il est devenu mais dont le cercle familial refuse de voir et reconnaitre la réussite? Ce petit garçon que ce monde parfois cruel a failli briser mais qui a survécu malgré tout? Ce petit garçon qui a tenu bon et qui tiendra encore bon, longtemps, très longtemps car il ne sait faire autrement? Ah! On pourrait continuer, je pourrais m’étendre encore plus car tant de situations restent à évoquer.


Cette vidéo a été un déclencheur pour moi, véritablement. Dans un monde où il nous est demandé depuis l’enfance, de ne pas pleurer car seules les femmes ou les filles pleurent, de ne pas être faible car un garçon ou un homme n’a d’autres choix que d’être fort. Ces stéréotypes sont légion dans notre communauté et font malheureusement à mon avis, plus de mal que de bien. Ils s’accompagnent de manière générale, d’une absence totale de marque d’amour, d’affection et de reconnaissance. Nous grandissons sans entendre ces mots qui nous rassureraient; ces mots qui panseraient nos âmes et qui nous permettraient d’être dans un alignement parfait avec qui nous sommes, le petit garçon et l’homme qui cohabitent dans l’espace de chair dont nous sommes faits.


Il devient primordial pour moi aujourd’hui de montrer aux hommes qui m’entourent, frères, cousins, amis, connaissances, qu’ils sont des héros, tels que le monsieur plus haut, essayait de le faire comprendre à son jeune interlocuteur. Il est important pour moi de dire haut ce que je pense vraiment d’eux, du bien dont ils sont faits et de la valeur dont ils sont constitués. Je n’ai pas la prétention de toujours savoir le faire, d’avoir les mots justes, mais je me dis que je me dois d’essayer. Pour eux, pour moi, car je suis eux et ils sont moi. Il est temps que nous déconstruisions les schémas qui nous enferment dans des carcans dont nous n’avons pas besoin. Cette vidéo et quelques autres anecdotes qui ont suivi m’en ont donné la certitude. Être le gardien de son frère, ne passe pas que par un état de surveillance physique ou par une affirmation de son autorité sur ce dernier, surtout s’il est plus jeune. Être le gardien de son frère est une façon de vivre à laquelle je nous invite à adhérer, à apprécier et à appliquer au quotidien afin de construire des hommes en paix avec eux-mêmes, loin des batailles sourdes et internes qui tuent leur sensibilité à petit feu et les empêche de se réaliser en tant qu’hommes heureux, d’être ce qu’ils sont, d’être ce qu’ils doivent et veulent être.

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