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Une journée pour les hommes, oui, mais pour quoi faire?

Dernière mise à jour : 17 avr. 2023

Il existe dorénavant une journée pour tout, ou quasiment tout. Nul besoin de toutes les énumérer ici. En réalité, même si je le voulais, je ne pourrais pas, tellement celles-ci s’alignent et souvent se confondent les unes aux autres. Une année ne fait que 365 jours et si l’humanité décide d’accorder à chacune de ces journées un thème précis, on se doute bien que des superpositions sont à attendre. Quand j’y pense, certaines ont une véritable importance et devraient d’ailleurs avoir un écho plus retentissant et plus long qu’une durée de vingt quatre heures. Mais ce ne serait probablement pas juste envers les autres. Je citerais le 1er décembre qui s’articule autour de la lutte contre le VIH, le 4 février qui est la journée mondiale contre le cancer (tous les jours devraient être des jours contre le cancer si vous me demandiez mon avis), le 10 octobre, journée mondiale de la santé mentale (thème qui je suis content de le voir, prend de plus en plus d’importance dans nos communautés même si beaucoup reste à faire), le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, le 25 novembre, journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, et, arrêtons nous là, car la liste serait en effet trop longue, le 19 novembre, journée internationale de l’homme. Oui, nous avons aussi une journée qui nous est dédiée et je prends ma plume pour dire que cela ne peut pas faire de mal car plusieurs choses peuvent co-exister.

Je dois avouer que je n’ai découvert cette date que l’année dernière et j’étais assez surpris de n’en avoir jamais entendu parler. Après tout, les hommes de manière générale ont le pouvoir sur un certain nombre de choses, sinon, sur tout. En politique ils sont au premier rang. Dans les médias, la communication, s’ils ne sont pas devant la caméra, ils sont les décisionnaires qui tirent les ficelles dans l’ombre, et sont faiseurs de pluie et de beau temps. Dans le sport, les disciplines les plus couvertes et dans lesquelles les plus importants investissements sont faits, sont celles où l’attention est donnée aux hommes, bien que nous ayons des équipes féminines pour quasiment tous les sports. Dans les instances dirigeantes d’entreprises, les hommes représentent une écrasante majorité, selon le contexte géographique bien évidemment. Cela pourrait encore être plus palpable lorsqu’en plus on est dans un environnement où légalement, aucune répercussion n’est à attendre, si des quotas ne sont pas respectés.

Si on parle de politique par exemple, seuls 13 pays ont à la tête de leur état, une femme et seulement 15, chef de gouvernement (selon ONU Femmes). En Afrique, sur les plus de douze mille parlementaires que comptent les pays du Continent, les femmes ne représentent que 24% (selon le baromètre du PPF, Participation Politique des Femmes en Afrique). On est loin d’une certaine parité ou égalité. Des chiffres comme ceux-ci sont légions. Je ne vais pas m’attarder dessus. Cela dit, à les lire, on se demande, pourquoi une journée dédiée aux hommes, quand on sait qu’ils possèdent tout, dirigent tout, décident de tout? Oui pourquoi? Cette question je l’ai déjà entendue plusieurs fois, majoritairement à travers des voix féminines. Elles ont leurs raisons et ont peut être raison de la poser. Je n’ai simplement pas souvent ressenti que cette interrogation était nécessairement bienveillante, mais plutôt combative car, pourquoi devrait-on accorder à la gent masculine une journée de plus, sachant qu’elle a déjà 365 jours de pouvoir sur tout le reste? En tout cas, je pense que la question vaut la peine d’être posée. Et j’ai une petite idée sur la réponse à y apporter.


Tout comme moi qui n’ai découvert cette journée que l’année dernière, je me rends compte autour de moi que quasiment aucun homme de mon entourage n’en a connaissance. Samedi dernier j’ai été invité à une soirée pendant laquelle le sujet a été évoqué. Nous étions plus d’une dizaine d’hommes face à une poignée de femmes. A l’évocation du sujet, je me suis rendu compte que nous n’étions que deux ou trois à savoir qu’elle existait, les autres étant assez surpris et se demandant aussi à quoi elle sert. Encore une autre question à laquelle je ne pense pas qu’il faille apporter une réponse simpliste telle que: « bah, vous avez votre journée, nous avons la nôtre ». Ce serait insultant pour les deux parties, mais cela rabaisserait aussi son utilité et sa raison d’être.


Les hommes constituent selon plusieurs études et constats, un nombre écrasant dans le taux de suicides, et cela à une échelle mondiale (à différencier des tentatives de suicide). En effet, on notera que les tentatives de suicides sont plus élevées chez les femmes. Selon le CAIRN, le ratio est de cinq à dix femmes pour un homme. Selon l’ONS, l’Observatoire National du Suicide (France), le taux d’hospitalisation pour tentative de suicide est plus élevé dans la population féminine, avec des pics par tranches d’âge, entre 15-19 ans, et entre 45-49 ans. Un rapport de l’ONS précise que sur les 78 128 personnes hospitalisées pour tentatives de suicide en 2015, 47 981 étaient des femmes, pour 20 147 hommes en face. Néanmoins, la tendance est inversée lorsqu’il s’agit de tentative (malheureusement) réussie. Les hommes réussissent de manière plus importante à mettre un terme à leur vie et cela est expliqué par les méthodes plus létales auxquelles ils ont recours parmi lesquelles, arme à feu, pendaison, sauts depuis des lieux élevés. Le suicide étant un sujet très complexe et trop important, j’espère pouvoir y revenir de manière plus détaillée dans un autre billet. Néanmoins, il était important d’en parler dans le cadre de cette journée à venir.


Bien que cela soit un sujet tabou, les hommes sont également touchés par la dépression, et par les conséquences que celle-ci peut générer: repli sur soi, dégradation de l’aspect social, changement d’humeur et impact sur notre entourage, dégradation de la santé mentale pouvant mener au suicide. Plusieurs éléments tendent à expliquer pourquoi les hommes en sont aussi les sujets malheureusement, souvent oubliés par la société, du moins, dans certains environnements au sein desquels la dépression « n’existe pas » ou « est une maladie de Blancs ». En tant que jeune Africain ayant grandi et vécu dans plusieurs pays du Continent, combien de fois ai-je entendu cela? De la part de membres de la famille, de la part d’amis, de collègues, ou simplement de personnes plus ou moins éloignées que l’on rencontre çà et là. La dépression n’existe donc pas. Elle serait l’apanage d’autres que nous car, nous sommes plus forts et nous sommes des hommes. J’en rirais si les conséquences d’une assertion aussi fausse n’étaient pas également dangereuses. Les hommes, au même titre que les femmes, sont touchés par la dépression. Celle-ci peut venir d’un environnement de travail stressant au sein duquel ils subissent souvent une grande pression: objectifs démesurés à atteindre, compétition malsaine avec leurs collègues, sentiment d’échec ou de ne pas être à la hauteur, temps de travail très élevé et peu de repos avec à la clé du surmenage.

Les hommes font également face à un stress qui peut être lié à la perte d’un être proche tel qu’un parent, un enfant, un(e) compagnon(gne), ou encore une épouse ou un époux. Il est nécessaire que nous nous posions collectivement la question de savoir, si nous avons le même degré de considération du veuvage des hommes, que nous accordons à celui des femmes. Si nous sommes honnêtes, nous répondrons que nous faisons moins attention à cette douleur lorsqu’elle concerne les hommes. Les traditions dans certains pays liées au veuvage, qui sont majoritairement axées vers les femmes (port d’une tenue et d’une couleur spécifique pendant une période déterminée, réclusion dans un espace spécifique avec impossibilité de voir qui que ce soit, etc.) n’y sont pas étrangères. En face, il est admis que l’homme puisse passer à autre chose plus rapidement, sans se demander quelle est la profondeur de sa peine. Il existe également chez les hommes, des blessures qu’ils portent depuis l’enfance ou l’adolescence, qui n’ont pas guéri, et qui plus tard dans leur vie d’adulte, avec toutes les responsabilités et les difficultés que celle-ci entraine, ressurgissent et peuvent devenir la cause de dépression, avec le sentiment qu’ils n’ont jamais été écoutés et que jamais ce qu’ils ressentent n’est pris en considération.


Il faut dire que les comportements communément admis, entre les hommes même, ne sont pas là pour aider. Entre machisme, hyper-sexualisation et emphase inutile sur une virilité qu’il n’est pas nécessaire de prouver, nous nous retrouvons enfermés dans des cycles destructeurs, au sein desquels nous n’avons plus le droit d’évoquer nos sentiments, ni joie, ni peine. Nous n’avons pas le droit d’être triste et si oui, pas pour longtemps. Nous ne pouvons pas pleurer en tout cas, pas en public car, un garçon, ça ne pleure pas. Je parle de garçon et pas d’homme pour montrer cette dynamique négative et malsaine qui commence beaucoup trop tôt. Nous pouvons aimer, mais montrer des signes extérieurs d’amour même envers des amis, n’est pas admis. Osez dire « je t’aime » à votre ami, et vous serez immédiatement traité de « pédé » ou au minimum, votre virilité sera questionnée. En tant qu’homme, il vous est permis d’être le dominateur, rien d’autre. Cela vient avec son lot de charge mentale que nombreux n’arrivent pas à supporter, le cachent et le vivent dans la douleur. En tant qu’homme, il vous est permis d’exprimer votre colère. Cela est même attendu de vous. Un homme en colère, qui gronde, qui est enragé et qui peut par la force de ses mains asseoir son autorité sur son entourage, est un « vrai » homme. Un homme qui aligne des conquêtes, qui parce qu’il a un emploi rémunérateur et une situation financière correcte, peut et doit se permettre d’avoir un harem, est un « vrai » homme. Il peut se permettre tout ceci, mais qu’il n’ose pas penser à pleurer, rire un peu trop souvent, être attentionné et montrer des signes d’affection, demander de l’aide lorsque dans son être il est blessé et ne va pas bien. On est d’accord, rien de tout ceci n’est là pour aider. Au contraire.


Alors, pourquoi une journée de l’homme, vous me demanderez une fois de plus. Si les éléments que j’ai cités ne sont pas suffisants (j’ai à dessein souhaité mettre l’accent sur ce que je considère comme étant des aspects dangereux pour la santé des hommes et la perception que généralement on peut avoir d’eux), alors, je peux également dire que cette journée est l’occasion pour les hommes de prendre leur place sur un nombre de sujets (liste non exhaustive) : l’éducation des enfants et le devoir qu’ils ont dans ce que deviendront ces futurs adultes, le partage des responsabilités et des opportunités de manière équitable et juste, envers et vis-à-vis des femmes, le rapport sain face aux femmes de leur vie, mères, soeurs, amies, collègues, concubines, leur rapport aux autres hommes et la nécessité de créer entre eux un environnement bienveillant au sein duquel ils pourront s’exprimer sans avoir peur d’être jugés, leur rapport à leur sexualité dans plusieurs sens du terme, qu’il s’agisse de leurs désirs et la possibilité de les exprimer, ou du spectre qui contiendrait les différences attirances qu’ils ont envers les sexes et genres, la santé mentale et la nécessité de prendre soin de soi, savoir mettre des barrières utiles pour protéger cette santé. C’est également l’occasion de simplement parler des désirs et envies qu’on a, des rêves qu’on porte et des ambitions qu’on chérit, celles qui sont souvent loin des schémas pré-définis que la société peut nous imposer. C’est l’occasion de parler, de se parler. C'est l'occasion de s'ériger en modèle pour les autres, ceux qui viennent après nous, mais c'est aussi le moment de parler de ceux qui sont nos modèles. Ce n’est pas une journée de défiance envers les femmes, pour leur opposer une supériorité ou autre. C’est une journée de reconnaissance, c’est un moment de partage dont bien d’hommes ont besoin et dont l’utilité je l’espère, ne pourra qu’être grandissante.


Crédit image: Freepik

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