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Non, nos mamans n’étaient pas heureuses...

Dernière mise à jour : 22 mai 2023


Nous sommes en janvier 2023, et je pense que ceux qui me lisent (messieurs, cet article est fait pour vous même s’il est évident que je souhaite que tout le monde se penche dessus), ont une moyenne d’âge de 30 à 35 ans. Certains un peu plus, d’autres un peu moins. Je pense sans trop me tromper, qu’à cet âge, après de multiples décennies sur terre, on a une certaine expérience de la vie, de la vie de famille ou en famille, de la vie de couple, bref, de la vie tout simplement. On a fait des rencontres, on a parlé à de nombreuses personnes, au travail, sur les bancs de l’école, dans la rue, au cours de soirées festives, dans un train, un avion. On a à cet âge un peu de bagage dans les échanges humains, dans les interactions avec des personnes d’âges différents, d’origines variées et qui ne pensent pas nécessairement comme nous. C’est ce qui à mon sens fait un peu la beauté de la vie: les échanges. Alors, je me dis qu’au bout de notre troisième décennie sur terre, voire de la quatrième, il est grand temps d’arrêter de mentir aux autres, mais surtout, de se mentir à soi. Il est vraiment temps d’en finir avec le mythe de la maman, femme parfaite, bien sous toutes les coutures, et qui a vécu une vie de bonheur, d’allégresse et de joie tout au long des années qu’elle a passées dans le foyer qui était le sien. Celle-là même qui est l'objet des fantasmes irréalistes auxquels nombreux s'accrochent et souhaitent sans prise de recul aucune, voir dupliquée parmi les femmes de la même génération qu'eux et qui les entourent.


Arrêtons! Non, nos mamans n’étaient ni forcément heureuses et encore moins parfaites. En tout cas, pas comme nous pensons qu’elles l’ont été. Loin de là!


Cet article commence peut-être violemment. Je le concède. Il est violent ou du moins, brutal dans le postulat. Il peut être aux yeux de certains, prétentieux, impétueux et surtout mal venu. J’accepterai volontiers tous ces adjectifs. J’ajouterais néanmoins que, comme avec beaucoup d’articles précédents, je n’ai pas la science infuse et ce que je dis n’engage que moi. Ce sont mes opinions, mon vécu, que je communique à travers mes écrits. Mais je me base aussi sur celui des autres, de mon entourage, d’amis, camarades, famille. Je prends également en compte ce que je lis, les témoignages que j’entends ou que je vois. Les échanges que j’ai. On en revient aux échanges. N’ai-je pas dit plus haut le bien que j’en pensais? Si. Et bien, je continuerai de le faire. D’échanger. Tout ça pour dire que j’accepte les qualificatifs que certains donneront à cet article.


Nos mamans n’étaient pas heureuses. Je vais éviter cet euphémisme d’ailleurs: nos mamans étaient malheureuses. Voilà qui est mieux dit et traduit bien ma pensée. D’où me vient le fait d’avoir envie de parler de ça? J’aurais pu choisir d’autres sujets. Je n’ai pas (je suis honnête sur ce point) fait d’intenses études comparatives en posant des questions à des centaines voire des milliers de femmes qui sont mères, afin d'avoir leur avis. Une fois de plus, je me base sur des échanges mais également diverses lectures et une documentation personnelle sur le sujet.


Si comme moi, vous suivez souvent des discussions sur les réseaux sociaux, vous êtes probablement déjà tombés sur cette phrase qui revient souvent: « les femmes d’aujourd’hui ne sont pas comme nos mamans », ou encore « nos mamans n’étaient pas comme ça, elles étaient de bonnes femmes ». Merci du fond du coeur, mais j’espère bien en effet qu’une femme en 2023, n’est pas celle de 1973 ou 1983. J’espère bien.

Les femmes que nombre d’hommes s’obstinent à fantasmer avaient une réalité qui n’était quasi absolument pas celle des femmes qui nous entourent, celles de notre génération. Je suis bien content que la jeune femme de 2023 puisse avoir un emploi qui la rémunère à sa juste valeur, sans qu’elle n’ait à compter sur son époux ou sur un homme. Le sujet du salaire entre hommes et femmes est un autre débat que je ne vais pas couvrir ici car on pourrait écrire d'innombrables lignes sur les inégalités dans ce domaine. Je suis bien content qu’avec le temps et ce dans de nombreux pays, les femmes puissent décider des études qu’elles vont faire, du chemin qu’elles vont suivre et de la profession qui sera la leur, sans avoir à requérir l’autorisation d’une figure masculine. Je suis bien content qu’une femme en 2023 puisse ouvrir un compte en banque sans avoir l’aval de son mari au préalable. Je suis content qu’au moins dans certaines parties du monde, les femmes puissent disposer de leur corps comme bon leur semble. Qu’elles puissent se vêtir comme elles en ont envie, qu’elles puissent se maquiller si elles en ont envie. Qu’elles puissent décider de continuer jusqu’à son terme ou pas une grossesse, notamment dans des cas souvent périlleux, à court ou à moyen terme. Qu’elles puissent avoir assez de ressources pour s’occuper de leur progéniture, que ce soit avec ou sans l’aide du père ou du géniteur. Qu’elles puissent en 2023, avoir de brillantes carrières, qui les emmènent aux quatre coins du monde.


Qu’elles puissent briller de mille étincelles lors de conférences, de séminaires, qu’elles aient des articles qui les mettent à la une, qui parlent d’elles en des termes élogieux, qui les encensent au point qu’elles doivent se ressaisir pour ne pas laisser couler des larmes de joie (mesdames, si ça vous arrive, pleurez à l’envi s’il vous plaît). Qu’elles puissent bâtir des empires ou simplement bâtir des foyers. Qu’elles puissent mettre sur pied des constructions solides avec des fondations fermes, pour elles, mais aussi pour les enfants qu’elles portent, quand elles décident d’en porter. Qu’elles puissent avoir le choix ou pas de se marier, de faire des enfants ou de ne pas en faire (contrairement à un autre mythe, elles ne sont pas toutes obligées de le faire). Je suis content que la jeune trentenaire de 2023 ait accès à tout ceci, ce à quoi bien des femmes trentenaires n’avaient pas droit il y a encore à peine quarante ou cinquante ans.


Revenons sur ce qui a été dit plus haut: non, nos mamans n’étaient pas heureuses. Elles étaient même malheureuses. Je suis bien fou de dire ça vous me ferez remarquer. Oui, peut être. Alors pour vous contenter ou en contenter quelques uns, je dirais que nos mamans n’étaient pas toutes heureuses. Nos mamans ont été très souvent des prisonnières de leur situation, des foyers dans lesquels elles vivaient et souvent survivaient, elles ont très souvent été prises au piège d’une société qui ne leur permettait que très peu de s’émanciper et qui les laissait malheureusement à la merci de leurs conjoints, nos papas. Oui, ceux-là mêmes que nous adorons, idéalisons, mettons sur un piédestal, et qui n’ont pas toujours été tendres envers ces mamans-là. De maris, certains sont passés à geôliers. De tendres époux, d’autres sont devenus des tortionnaires. De nombreuses femmes ont dû subir les affres de mariages malheureux, au sein desquels elles vivaient souvent les pires atrocités: violences physiques, morales et souvent sexuelles.

Elles sont souvent restées dans des situations qui les menaient au bord du péril, péril de leur vie, de leur santé mentale et physique. Elles ont souvent traversé des épreuves qui ont fait vaciller leur dignité, leur fierté et leur être profond de femmes. Nombreuses d’entre elles ont perdu en confiance, nombreuses ont finit par se laisser aller car elles n’avaient plus la force de tenir. Un nombre incalculable d’entre elles a tenu, tenu car elles avaient des enfants, ces petits êtres qu’elles avaient portés en leur sein et pour qui elles auraient donné leur âme si cela leur avait été demandé. Elles ont tenu et résisté car elles n’avaient pas le choix, celui d’abandonner leurs enfants à un sort dont elles n’étaient pas sûres tant il leur manquait la maîtrise notamment financière, de la situation. Il leur a fallu résister, pas seulement au nom des enfants, mais aussi d’une société qui leur martelait (et qui malheureusement continue) qu’il faut rester coûte que coûte. Que le divorce est une insulte ultime à la famille, à son honneur car, on signe pour le meilleur et pour le pire. Pour des raisons religieuses notamment, il n’est pas question de divorcer. Cela est un affront à ses voeux et un péché presque impardonnable. Alors, il faut rester et célébrer le culte de la souffrance, de la résilience et du douloureux mutisme qui tue. Lorsque vous ajoutez à cela la pression familiale et de la société, le mélange n’en est que plus toxique. Il ne fallait absolument pas partir et même aujourd’hui, cela est encore une réalité. Cela me fait penser au livre (que je recommande) de Djaili Amadou Amal, « Les Impatientes » qui dépeint cette triste réalité qui peut se terminer en drame à travers l'histoire de trois jeunes femmes dont les parcours sont plus malheureux les uns que les autres.

Doit-on encore accentuer le discours sur la nécessité de déconstruire un nombre improbable de schémas qui ont été destructeurs, pour nos familles et dont nous ressentons encore les conséquences néfastes aujourd’hui ? De toute évidence, si. Nous ne pouvons pas nous plaindre d’une situation et nous entêter à répéter ce qui nous a fait du mal. Il y a peut-être là quelque chose de plus profond à étudier, le pourquoi et comment. Une fois de plus, c’est un autre sujet sur lequel quelques centaines de lignes pourraient être produites. Toujours est-il qu’il est nécessaire que nous nous attelions à rompre avec ce qui nous a fait du mal car, au sein d’un foyer malheureux, il est très fort probable que les enfants qui en sortent et qui deviendront à leur tour des adultes qui fonderont les leurs, soient à leur tour des personnes blessées qui consciemment ou pas, infligeront des blessures à celles et ceux qui partageront leur vie. Le cycle est continu et le mal est perpétuel.

Alors, non, nos mamans n’étaient pas toutes et pas toujours heureuses. Il n’est pas logique de demander aux femmes de la même génération que nous, d’avoir la même résilience tueuse que nos mamans ont eue toute une vie, pour n’en tirer que regrets et ingratitude. Souffrir longtemps ne garantit aucun bonheur au bout du compte et des années qui passent. On empile les malheurs qui ne mènent qu’aux larmes à la fin, si ce n’est à un impact négatif sur notre santé, mentale et physique. Si nous prenions chacun le temps d’avoir des échanges candides et honnêtes avec nos mères, nous nous rendrions compte de ce qu’elles ont vécu et peut-être, peut-être bien que nous aurons la décence de ne pas demander à nos soeurs, amies et bientôt filles, de vivre la même chose, d’endurer les mêmes tourments. Avoir ces dialogues à coeur ouvert est essentiel.


Nos mamans n’étaient pas non plus des anges, loin de là. Ce sont des êtres humains dotés de chair et de sentiments comme tous. Il ne s’agit pas ici de les idéaliser, mais d’avoir une approche réaliste de la situation qui était la leur et nous devons nous forcer à ne pas l'imposer aux femmes d’aujourd’hui. Elles avaient et ont encore des désirs inavoués qu'elles chérissent. Nombreuses ont aussi été dans des mariages qu'elles n'ont pas choisis mais qu'elles ont subis. Et ce, souvent au nom de la réputation de la famille au sens large car, il fallait parfois maintenir un honneur pour le bien du plus grand nombre, quitte à ce que leur bonheur à elles passent en dernier ou ne soit même pas pris en considération. Je me souviens d'une conversation avec la mienne, qui me disait qu'en son temps, atteindre l'âge d'environ 25 ans (ou un peu plus) sans être mariée vous rangeait dans la catégorie de fille qui finirait seule. Que sait-on réellement de la vie quand on a 25 ou 26 ans? Se connait-on vraiment et ce que l'on soit un homme ou une femme? S'il y a bien une chose que j'ai comprise en plein milieu de ma trentaine actuelle, c'est qu'à 25 ans on a l'impression de tout savoir et d'être le roi du monde et de la sagesse. Dix ans plus tard on ne peut que rire de la naïveté qui caractérise l'arrogance qui nous possède à cet âge-là. Alors, certes les temps n'étaient pas les mêmes, les mouvements de libération de la femme n'étaient pas aussi populaires dans le monde qu'ils le sont aujourd'hui, l'accès à l'information n'était ce qu'il est aujourd'hui, le monde a subi une transformation conséquente, mais 25 ans reste un âge relativement jeune. Nous avons l'avantage de les avoir comme exemples et d'avoir subi de plein fouet les conséquences néfastes de ce qui devenait des simulacres de foyers. A nous de nous en défaire et de pas reproduire les mêmes cycles de destruction.


Le débat sur ce qu’est une bonne épouse je le laisse aux commentateurs de réseaux sociaux divers. Ce n’est vraiment pas un couloir qui me plait donc, je ne vais pas m’y aventurer. Je souhaite néanmoins que nous ayons une approche honnête des demandes des uns et des autres, et surtout, que le poids de la réussite d’un mariage cesse de peser sur des femmes envers qui nombreux ne sont pas prêts à être les hommes qu’elles attendent qu’ils soient. Par la même occasion, je ne déresponsabilise pas totalement la gent féminine qui en partie, qu’elle soit moindre ou majoritaire - c’est selon - perpétue également cette façon en (grande) partie erronée de voir leurs ainées, nos mamans, sous le prisme d’un bonheur presque parfait comme si elles ne subissaient pas le poids mal placé des responsabilités qui pesaient sur elle, notamment, celui de tout supporter, même les pires humiliations, afin que le mariage tienne envers et surtout contre tout.


Je pourrais également évoquer l’importance pour ces mamans de jouer la carte de la transparence envers leurs enfants, même s’il n’est pas toujours nécessaire de tout dévoiler. Il est clair que de ce sujet, ressortira aussi la question de l’éducation des filles mais encore plus des garçons. Quel est le message qui leur est transmis? D’une part, celui de la résilience mal placée, pour les filles, à qui il est demandé de supporter des situations qu’en temps normal personne n’aurait à endurer? D’autre part, celui de l’impunité, pour les garçons, à qui on fait comprendre qu’étant les futurs chefs de famille et donc, dans une certaine mesure, des rois, qu’il est possible de faire ce qu’ils veulent sans craindre de répercussion? Et qu’au contraire ils seront récompensés par la docilité et la bienveillance de celles qui partageront leur vie? Il faut se départir de la notion du mariage et de la vie en couple comme étant synonyme de souffrance et de triste résilience. Bien qu'il soit clair que la vie à deux, mariés ou pas peut être parsemée de difficultés (maladies, finances mises à mal, perte d'un emploi, dépression d'un des partenaires, éducation des enfants, etc...), il est nécessaire de démonter l'idée qu'une femme doit rester envers et contre tout, notamment lorsqu'elle n'est que perpétuellement bafouée. Il faut qu'on apprenne à nos garçons que les temps ont changé et qu'ils doivent entrer dans des partenariats où tout le monde gagne, où la raison prime la satisfaction de leur égo. J’espère bien que les bons messages seront transmis et que nous passerons à un travail de refonte, certes de longue haleine, mais qui permettra un dialogue honnête envers nous mêmes.


Ced. B.





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