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Une décennie qui s’en va…

A l’heure où des centaines de millions de personnes font ce qu’elles font tous les ans à cette période de l’année, dresser une liste de résolutions qu’elles tiendront ou pas, je me suis posé la question de savoir si je ne devais pas rejoindre la danse et faire comme elles. Alors, j’ai ouvert mon ordinateur en me disant qu’il serait probablement plus efficace de rédiger quelques lignes afin de résumer cette année 2019 mais plus que ça, faire un flashback sur cette décennie dans laquelle je suis devenu un adulte.

On est le 31 décembre 2019, il est presque 16h, à l’heure où je rédige ce billet. Dans quelques heures sonneront les cloches qui annonceront la venue de 2020 et d’une nouvelle décennie. Je ne me suis rendu compte qu’il y a deux jours que ce serait le cas lorsqu’un ami l’a mentionné. Cela peut être significatif, selon l’angle par lequel on considère la chose. En ce qui me concerne, ça l’est car à la fin de celle-ci, si j’ai la grâce de vivre jusque-là, j’aurai bien entamé ma quarantaine. Ce sera une autre étape de ma vie dans laquelle j’espère accomplir un certain nombre de choses mais avant tout, être heureux et le demeurer.


Alors, 10 années viennent de passer. Ce que je peux en dire, c’est que je suis reconnaissant de les avoir vécues. C’est drôle comme rétrospectivement je me demande comment j’ai fait pour traverser certaines des épreuves qui ont été les miennes, comment j’en suis sorti. Bien sûr, il n’y a pas eu que ça mais si on m’avait dit que cette vie d’adulte venait avec autant de tumultes alors parfois j’aurais souhaité rester un enfant. Il y a 10 ans je quittais le Cameroun pour m’installer à Nancy afin de poursuivre mes études. Deux ans plus tard je rejoignais Paris, ville cosmopolite qui m’offrait plus de possibilités que ma petite province toute froide. Les promesses de Paris n’ont pas été tenues aussi facilement que je le pensais. On est en 2011, je viens d’être diplômé. C’est la recherche de mon premier boulot. Plus tôt cette année-là, un certain Ministre de l’Intérieur Français émet une circulaire qui viendra, de manière cumulative avec la crise économique qui vient de passer et face à laquelle la France a quand même tenu, bousculer de manière significative, la vie de milliers d’étudiants étrangers en France. Je termine mon stage de fin d’études dans une belle entreprise. Il n’y a pas d’emplois à la clé. J’enchaine les candidatures, avec beaucoup d’espoir. Pendant un mois. Deux. Trois. Six. Huit. Onze. Treize. Seize. Dix-neuf. Vingt-trois. Vingt-cinq. L’espoir s’en va. Vraiment. Entre-temps j’ai repris mon boulot d’étudiant, serveur. Travaillant parfois douze à treize heures par jour, hiver comme été, cumulant deux jobs, un dans un restaurant à la Défense et le deuxième dans un pub, sur les Grands Boulevards. Je suis serveur et barman. Souvent de midi à minuit et parfois de 16h à 6h du matin. J’ai toujours mes diplômes, mais l’espoir de trouver un emploi s’en est allé. A un moment donné, j’ai obtenu un stage. Je travaillais plus de quarante heures par semaine en stage, et le week-end j’étais serveur. J’avais un rythme de soixante heures de travail par semaine. Au même moment je m’étais inscrit à une formation et suivais des cours le soir. Ce qui devait arriver arriva. J’ai dû faire un choix et laisser tomber une des trois activités car j’étais au bord du burn-out. J’étais loin d’imaginer qu’un jour ça m’arriverait et pourtant… En plus de ça, il fallait gérer une situation familiale très difficile, ces années là étant probablement les plus difficiles que m’a famille ait pu traverser. Mais on s’en est sortis, tant bien que mal. Moi inclus.


Plus de deux ans après avoir obtenu mon diplôme, je trouve finalement mon premier emploi. La joie. Je vais pouvoir faire ce pour quoi j’ai fait des études. Le mettre en pratique. Mais plus que tout, changer mon statut, d’étudiant à travailleur, le Graal pour toute personne qui était dans ma situation. J’essaie, et ça marche. Malheureusement, au bout d’un an, je perds mon boulot. Il faut en retrouver un autre. Rapidement. On est en janvier 2015. Je me remets à postuler. Je trouve un nouvel emploi. Moins bien payé. Mais avec un beau challenge. Je travaille dans une équipe super, avec qui j’ai gardé le contact jusqu’aujourd’hui. Je commence donc en mars 2015. En Juillet 2015 je perds ce boulot. Pour des circonstances que je ne peux citer ici. Un autre échec. Il faut rebondir. Je n’ai pas le temps de me morfondre. J’ai des factures à payer. Un titre de séjour à renouveler. Des charges auxquelles il faut subvenir et pas que pour moi. Je recommence à postuler. J’ai quitté mon emploi le 16 juillet 2015, le 27 juillet je signe un contrat pour un nouvel emploi. Je me sens béni. Mais avec la certitude que rien n’est acquis. Je le sais car j’en ai fait les frais. Quoi qu’il en soit, une nouvelle aventure s’annonce. Elle durera trois ans. Trois années très riches en rebondissements. Je grandis professionnellement et humainement. J’apprends de nouvelles choses sur moi, comment réagir face aux autres et à leur méchanceté, à leur mépris. Mais j’apprends aussi à accueillir à bras ouverts la gentillesse et les bonnes intentions. Au bout de trois années, je m’en vais. Pour de bonnes raisons. La dernière année dans cet emploi ayant été particulièrement difficile et éreintante : rythme soutenu, conflits constants sur le lieu de travail, arrêt maladie pour stress, etc… Bref, je pars. Une des meilleures décisions de ma vie.


Flashback. On est en 2011. Vous savez car vous l'avez lu plus haut, ce qui se passe dans ma vie à cette période. Ce que je n’ai pas dit, c’est que je me bats à ce moment-là contre des démons que j’avais enfouis au plus profond de moi pendant des années. Ils sont revenus. Plus forts que jamais. Je suis malheureux. Très. Je ne le laisse pas voir et le cache du mieux que je peux. Les gens qui m’entourent, pour la plupart n’ont vu que du feu. Je ne peux les blâmer, j’arbore en tout temps et tout lieu mon sourire et mon rire contagieux. Je vois toujours la vie du bon côté, le verre à moitié plein. Mais je ne suis qu’un être humain et parfois la personne la plus positive du monde se retrouve aussi dans un état d’intense tristesse. Et ça je l’ai connu. Les mois passent, ma tristesse s’accentue et elle se cumule a à un mal être profond. Il me faut faire des choix, pour mon bien-être, pour ma paix intérieure, parce que je me le dois. J’en fais un. Au passage, il blesse quelqu’un incidemment et je m’en veux jusqu’à ce jour de n’avoir jamais demandé pardon à cette personne. J’espère que j’en aurai le temps et l’occasion un de ces jours. Le temps passe alors, je commence à vivre pour moi, mais je ne suis pas nécessairement plus heureux. Certes, une chape de plomb est levée, mais j’ai l’impression d’avoir des chaines qui me retiennent et m’empêchent de marcher, de courir, de m’envoler. Je ne sais pas comment faire. Mais la vie fait bien les choses et elle m’envoie quelqu’un, une rencontre décisive qui va tout changer. Je prends confiance en moi. Cette personne providentielle m’aide à voir les choses différemment. Elle me tient la main, me parle, me rassure et me dit que tout ira bien. Je résiste, je n’y crois pas. Mais chemin faisant, ses paroles s’avèrent être vraies. Les choses s’illuminent, le chemin s’ouvre et je finis par franchir une étape. Celle de la vérité. Envers moi mais également envers mon entourage. Un. Deux. Cinq. Huit. Et plus encore. Je parle à autant de personnes et cette parole me libère. Je suis surpris à quel point elle le fait mais également agréablement surpris par l’accueil reçu vis-à-vis de celle-ci. J’apprends que les gens peuvent nous surprendre. Positivement. Par leur compréhension, leur empathie mais plus que tout, leur amour. Je ne le prends pas pour acquis. Jamais.


Fast-forward. On est en 2019. Il est temps de faire de nouveaux choix. Un ami très cher à mes yeux me parle d’une opportunité professionnelle. Au départ, je ne la considère que peu. Le temps passe et il revient à la charge. Je la prends au sérieux. Je me lance, sans trop d’espoir. Et là, la vie me montre qu’elle est pleine de surprises. Je suis contacté. J’entame un processus qui dure un peu moins de deux mois. Il se conclut positivement pour moi. Là, je panique. Moi qui m’étais engagé spontanément, je me demande si je ne suis pas fou. Pourquoi ai-je fait ça ? Pourquoi je souhaite m’infliger cela et sortir de ma zone de confort ? J’ai fini au bout de dix ans par prendre mes marques dans ce pays qui est devenu le mien mais me voilà en train de vouloir sauter dans l’inconnu. J’en parle avec cet ami. Avec un autre. Avec d’autres. Avec ma famille. Avec moi-même mais également avec Le Plus Haut. La décision est sans appel : j’accepte et je dois partir de la France pour le Nigéria où une nouvelle aventure commence, un nouveau chapitre de ma vie doit s’écrire. Plein de rebondissements, de joies et de frustrations, de nouvelles rencontres, d’accomplissement professionnel et de projets personnels. Paris pour Abuja. Certains me demandent si je suis fou. Notamment les nigérians qui ne comprennent pas ce choix. Moi je le comprends. Il était nécessaire, vital. Je devais me challenger. Sortir de cette bulle que je m’étais créée et m’aventurer sur une nouvelle terre. Je ne regrette pas. Tout y est rose ? Non. Tout y est sombre ? Non. La vie est faite de nuances, de bons et de mauvais moments, de moments d’allégresse et d’extrêmes frustrations. Ça n’aurait pas été le Nigéria, j’aurais pu vivre la même chose ailleurs alors pourquoi pas le Nigéria ? Au moment où j’écris ces lignes, je suis en vacances à Douala, la ville où j’ai grandi. Mais j’ai hâte de rentrer dans cette ville qui est désormais chez moi, Abuja. Pour combien de temps ? Je ne sais pas. Mais je me battrai pour que ce soit un succès. Aide-toi et le Ciel t’aidera dit-on. Que le Ciel m’entende, me voie et m’assiste. A nous deux, on renversera tous les obstacles.


Une décennie s’en va. Je la clôture avec le sourire. Elle n’a pas toujours été tendre mais si je n’avais pas vécu tout ce qui a été mis sur mon chemin, je ne serais pas l’homme que je suis aujourd’hui. Bien évidemment, il s’est passé plus de choses que ce que j’ai couché sur ces longues lignes. Mais je ne vous ennuierai pas plus. A l’heure où j’écris, je peux dire que je suis heureux. Est-ce que ma vie est parfaite ? Non. Est-ce que j’ai tout ce que je souhaite avoir ? Non. Mais je suis reconnaissant d’avoir ce qui est mien. Je me sens et me sais privilégié. Une bonne santé. Un travail. Un toit. De quoi manger. Tous les membres de ma famille étant en vie. J’ai ce qu’il faut. Le reste n’est que du bonus.


Ce que je me souhaite pour la décennie à venir, c’est de garder ma joie de vivre, ma résilience, mon aptitude à rebondir et ne rien laisser m’affecter pendant plus de 24 heures (règle que je me suis fixée il y a plusieurs années maintenant), l’amour de mes proches mais surtout de m’aimer moi-même plus que tout, de toujours voir la vie du bon côté car elle est belle. Un accomplissement professionnel et ne jamais cesser de travailler d’arrache-pied. Je suis en bonne voie. Et oui, en plus de tout ça, rencontrer quelqu’un, cette « personne spéciale », que je vais aimer plus que tout et qui me le rendra avec ferveur, avec qui je ferai je l’espère, le bout de chemin que nous partagerons jusqu’à notre dernier souffle sur cette terre. On peut toujours rêver et je suis un grand rêveur.

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