S'accrocher.
- Cédric B.
- 20 nov. 2023
- 7 min de lecture
Il y a quelques années, j’écrivais un article sur la trentaine et ce qu’elle représentait. Le passage d’un âge tampon entre l’adolescence et l’âge adulte qui est la vingtaine, vers cette trentaine qui nous donne la pleine mesure de ce que veut dire être adulte. On se rend compte que les jeux sont terminés et qu’on doit faire face à des responsabilités insoupçonnées, jusque-là réservées à nos parents ou à des personnes qu’on considérait comme de véritables adultes bref, des gens plus âgés que nous. La trentaine est une période de réalisation, d’une réalisation dure, presque cruelle: la vie n’est pas facile. Elle n’est ni simple, ni docile, n’est certainement pas aisée en tout cas pas tous les jours, pas tout le temps. On a aussi à ce moment-là, la certitude que la vie ne nous doit rien. Rien. Nos prières, nos voeux, nos désirs, ne sont que les fruits de notre imagination, que nous souhaitons concrétiser. Et nous nous acharnons à faire des plans sans réellement prendre en compte les aléas que cette vie met sur notre chemin et ce qu’elle décide pour nous. Nous avançons donc dans un premier temps, plein d’assurance, l’assurance puérile et arrogante que nous confère notre vingtaine, période dans laquelle nous sommes certains de pouvoir conquérir le monde. Nous avançons certains que nous pouvons tout faire, tout réaliser, mais nous nous heurtons quasiment tous à ces murs qui sont érigés sur notre chemin, et auxquels nous n’étions pas nécessairement préparés donc, pas équipés à surmonter. Mais nous y arrivons quand même car après tout, il le faut.
Je suis comme tous mes amis, pris dans le tourbillon de cette trentaine. Je me plais de plus en plus à dire (plaire est un bien grand verbe ici-là), que nous sommes plus proches de quarante que de trente. C’est factuel. Si on doit se rendre compte que c’est malgré tout une bénédiction de prendre de l’âge, de vieillir notamment quand on a autour de soi un système solide de personnes qui nous aiment, on doit aussi reconnaitre que les épreuves sont de plus en plus dures.
A ce stade de nos vies, nous commençons à connaitre de véritables secousses. Nous faisons face à des problèmes de santé. Tous ou presque. De la santé mentale à la santé physique, tout y passe. Nous devons gérer des traumatismes qu’on avait enfouis et qu’on n’imaginait pas existants dans notre âme profonde. Ces traumatismes qui souvent ont l’art de se réveiller de manière brutale et d’affecter non seulement notre personne, mais aussi ceux qui nous entourent, très souvent, nos compagnons ou compagnes intimes, ayant ainsi des effets néfastes sur nos relations tant on est perdus dans le tourbillon de ces émotions qu’on n’arrive pas à contrôler. Nous faisons face à la dépression, peu importe la manière dont celle-ci se manifeste. Peu importe aussi qu’on reconnaisse qu’elle est présente. J’ai appris par des lectures diverses que la dépression prend plusieurs formes et peut être extrêmement difficile à cerner et même à diagnostiquer. On en arrive souvent là par un enchaînement d’épisodes dans nos vies, dont on est soit le spectateur et donc, qu’on subit, ou dont on est les acteurs et donc, devons prendre notre part de responsabilité. Nos choix nous y mènent parfois. Ce n’est certes pas aussi simple mais il est important de le souligner. Nous traversons plus que jamais de sérieuses secousses et à l’ère de l’accès à une multitude d’informations, de réseaux sociaux en tous genres, de partage de contenus variés, nous sommes plus alertes que jamais.
Notre santé est mise à rude épreuve. Du jour au lendemain, notre corps pourtant si vibrant, si dynamique, commence à nous jouer des tours. Des douleurs inexplicables, souvent passagères pour les plus chanceux et parfois chroniques pour les autres, des malaises contants et inexplicables aux diagnostics les plus terrifiants, nous passons par tout cela. Nous nous rendons compte que les choses changent, et qu’il est peut-être temps de reconnaitre que nous ne serons très probablement plus jamais aussi en bonne santé à partir de demain, que nous ne l’étions hier et les jours d’avant. Nous faisons la dure expérience de connaitre des médecins spécialistes, des spécialisations qui quelques années auparavant n’auraient sonné que comme des mots complexes et impossibles à écrire. Aujourd’hui nous les connaissons et nous vivons avec. Nous faisons la dure expérience d’aller à la rencontre de ces médecins sans nos parents car, nous sommes des adultes. Oh mais combien de fois j’aurais aimé être accompagné de mes parents lorsque je me suis rendu ces dernières années chez des médecins. Je n’ai presque jamais autant voulu redevenir un enfant et avoir un adulte qui allait discuter avec le médecin, entre adultes, de la gravité ou non de ma situation, tout en attendant simplement le moment où nous sortirions de son cabinet et ferions un arrêt nécessaire et obligatoire à la pâtisserie qui est sur le chemin de la maison, afin que je sois couvert de gâteaux et autres délices bien mérités, tout en laissant la charge mentale de mon état de santé à mes parents. Mais il n’en est rien. Aujourd’hui c’est moi l’adulte et je traverse tout comme vous, tout cela, tout seul. Ce n’est en rien un exercice facile mais quel autre choix avons-nous? Nous nous rendons compte que notre santé et donc notre vie, ne tiennent qu’à un fil et qu’il faut le maintenir, l’entretenir car tout peut basculer du jour au lendemain. Et ça, nous ne le voulons pas.
Comme un grand nombre d’entre vous qui lirez ces lignes, je traverse cette trentaine au sein de laquelle j’ai commencé à faire la douloureuse expérience de la mort. La mort je la connaissais, mais de loin. Nous ne nous étions pas côtoyés de près du moins, pas de manière intime. Elle est entrée dans ma vie en ce jour de mai 2020 et a créé en moi le plus grand des séismes, dont je ne me suis toujours pas complètement remis. D’ailleurs, je ne m’en remettrai jamais complètement. Mais c’est aussi ça la vie. La mort. La trentaine et bientôt la quarantaine. Ce qui veut dire que notre entourage commencera à s’effeuiller. Nos parents partiront, s’ils ne sont pas déjà partis pour les plus chanceux d’entre nous. Et cela reste une chance pour les parents de partir avant leurs enfants car, nul ne met au monde des enfants pour les mettre en terre. Donc, la mort rôde, elle nous prend nos êtres chers, parents, amis. Et malheureusement pour certains, leurs enfants, leurs bébés. Si vous lisez ces lignes et que vous vous retrouvez dans ce que je dis, je vous envoie mes plus chaleureuses étreintes. Nous vieillissons donc, nous commençons à expérimenter la réalité cruelle de la mort car, notre entourage vieillit avec nous. Et nous devons accepter de le voir partir.
Nous faisons face à des difficultés professionnelles. A la perte d’emploi, au burn-out au sein d’environnements toxiques, au bore-out au sein d’entreprises qui mettent à mal nos compétences et nous font croire que nous ne valons pas grand chose, que toutes ces années de sacrifices que nous avons données sur les bancs de l’école et au sein de précédents emplois n'ont que de peu d’intérêt. Nous traversons le chômage et la pleine ampleur des conséquences néfastes qui viennent avec: ressources limitées, stress, dépression, peur du lendemain, repli sur soi. Nous finissions par comprendre pourquoi cet oncle-là qui tout le temps souriait, n’affichait plus qu’une mine dépitée et morose lorsqu’il rendait visite à nos parents. Nous étions à mille lieues de s’imaginer ce qu’il pouvait traverser, le mal, la tristesse, le sentiment d’échec et de rejet, la perte de confiance, la faille dans l’égo, l’égo qui se fait petit car il faut demander de l’aide, demander à ses proches de quoi payer ses factures, et parfois, de quoi se nourrir. Nous ne comprenons que très bien cet oncle-là. Oh que oui!
Nous faisons aussi des choix, conscients, qui nous mènent où nous sommes. Ces choix notamment professionnels, nous portent vers des horizons divers. Nous avons contrairement à nos parents, des carrières extrêmement mobiles. Rien ne nous est impossible à atteindre. Si nos parents pour la plupart, passaient l’entièreté de leur carrière au sein d’une structure unique, publique ou privée, il n’en est rien en ce qui nous concerne. Nous changeons, évoluons, découvrons, mettons nos corps et nos cerveaux à l’épreuve, en décidant de nous déraciner, autant que possible. D’une ville à une autre, d’un pays à un autre, d’un continent à un autre, nous déplaçons nos vies. Nous saisissons des opportunités, très belles pour nos carrières, nos finances et qui participent à notre place dans la société, même si cela n’est pas le seul curseur qui permet de positionner celle-ci. Nous faisons des choix conscients qui font du bien sur ces aspects-là. Mais il est important de noter que ces choix ne sont pas sans conséquences pour nos vies, notre lien social. A force de mouvements, nous mettons sans cesse à rude épreuve notre lien social. Nous construisons des amitiés, des relations. Nous tissons des rapports avec des personnes qui finissent par nous aimer et qu’on aime profondément en retour. Et par nos départs, nous terrassons en quelque sorte, ces relations pour lesquelles il faudra mettre deux fois plus d’efforts à nourrir, à faire vivre. Des histories d’amour ou d’amitié. Je vis personnellement avec cette réalité depuis plusieurs années maintenant. Elle n’est pas facile et l’est de moins en moins au fur et à mesure que les années passent. Il est difficile dans la trentaine, de se faire de nouveaux amis. Ce n’est certes pas chose impossible, mais nous sommes limités par le temps que nous pouvons accorder à de nouvelles personnes, à l’espace qu’on peut leur donner dans nos vies. Et on se rend compte que les amitiés sont précieuses, que le temps qui nous est donné nous est aussi invariablement compté. Il faut donc le chérir, il faut donc les chérir.
Ce que je constate tous les jours de cette tranche d’âge à laquelle j’appartiens, c’est qu’elle est le socle d’un apprentissage: celui de la vie et de ses aléas, de ses bienfaits mais aussi de ses chocs, de ses coups durs et des épreuves auxquelles elle semble nous préparer pour plus tard. Je ne pense pas qu’à partir d’ici les choses s’amélioreront et je ne veux pas sembler défaitiste ou fataliste. Je souhaite juste concrètement exprimer le fait que nous devons dire au revoir à ces jours d’insouciance que nous avons connus, ils ne reviendront pas. Personne ne viendra nous sauver. Nous devons nous sauver nous-mêmes, nous armer de patience et de résilience, et nous accrocher autant que possible, en espérant être assez armés pour traverser la suite, suite que je nous souhaite tout de même douce et aussi apaisante que possible.

Magnifique comme d'habitude. Cette plume ohh cette plume... je ne m'en lasse pas. Je finis par me dire que tes textes sont courts 😀😀 tellement ils sont agréables à lire et representatifs de nos vies.
La trentaine s'éloigne de moi malheureusement ou bienheureusement😒😒 cette sensation d'éloignement de mes plus belles années crée en moi un profond sentiment de tristesse.
Mais comme tu le dis si bien nous devons y faire face et faire de notre mieux.
En attendant ton prochain sujet croustillant. Je t'embrasse très fort mon poulain trentenaire.
🥰🥰😚😚