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Pas d'utérus? Sois humble et écoute!

Je suis un homme et en tant qu'homme, je me dois d'avoir l'humilité de dire que certaines choses me dépassent, sont et seront probablement toujours hors de ma portée. Je suis un homme qui ne ne saurait avoir l'égo sur-dimensionné qui me conférerait le droit de décider à la place d'une femme de ce qu'il y a de mieux pour elle. Vous me direz, peut-être qu'avoir grandi auprès d'une mère avec qui j'ai des liens très forts et des soeurs que j'aime par dessus tout a forgé en moi cette façon de penser. Toute cette auto-introduction pour dire que nous sommes en 2019 et que je n'en reviens pas que nous en soyons encore à décider du droit des femmes de disposer de leur corps, plus précisément, d'avoir ou pas lorsqu'elles y sont confrontées, la possibilité de pratiquer un avortement.


Mettons nous d'accord (ou pas pour ceux qui ne veulent pas), un avortement n'est pas un acte aisé. Ce n'est une partie de plaisir ni pour le médecin qui le pratique, ni pour la femme qui le subit. Oui, subir est le bon verbe. C'est une procédure douloureuse, et pas que physiquement, mais émotionnellement aussi. C'est une partie d'elle qu'une femme décide de laisser s'en aller, aussi infime soit-elle. C'est une cicatrice interne qui ne se couvrira peut-être jamais. Mais c'est de manière ultime l'expression d'une liberté de disposer de son corps.


Pourquoi ce sujet et pourquoi cette position? Je réponds à la deuxième question pour commencer. Ceux qui me connaissent personnellement savent quel est mon avis sur un certain nombre de sujets de société. Je ne fais pas de mystère sur ma façon progressiste de voir les choses. Cela ne m'a pas toujours apporté de la sympathie notamment auprès de personnes conservatrices, souvent trop à mon goût et dont ce conservatisme en plus d'être à double vitesse est teinté d'hypocrisie à n'en plus finir. Je suis pour le libre arbitre, pour le choix de faire ou de ne pas faire, pour la possibilité de déterminer ce qui est bien pour soi. Bien évidemment, il existe des limites et celles-là concernent essentiellement l'atteinte aux autres quand on fait des choix. Tout ceci pour redire que oui, je suis pour la liberté de toute femme, d'avoir un avortement ou pas. En ce qui concerne la première question, elle vient de récents développements aux Etats-Unis, où de nombreux Etats essaient de faire passer (avec succès) des lois anti-avortement, de plus en plus restrictives et hostiles.

Un des derniers en date est l'Etat d'Alabama, dans lequel une flopée d'hommes blancs conservateurs (la précision en vaut la peine) ont voté pour rendre l'avortement illégal en Alabama. Le texte va jusqu'à proposer l'emprisonnement du médecin qui pratiquerait l'avortement, et ce jusqu'à 99 ans derrière les barreaux. Oui vous avez bien lu. 99 ans soit un emprisonnement à vie. Ceci même si l'avortement est pratiqué lors d'une grossesse qui fait suite à un viol, même sur des filles mineures et tenez vous bien, même dans un contexte incestueux. Vous pensez qu'il est fait mention de la sanction qu'aurait le violeur? Et bien non. Que nenni! Donc, il est plus important pour ces messieurs de punir la femme et son médecin que de se focaliser sur le violeur... Cela en dit long sur leur moralité et leur pseudo conservatisme.


L'argument central est de dire qu'ils sont "pro-life" ou "pro-vie" si on doit traduire littéralement. Dans le contexte actuel de ce pays, des gens qui se disent pro-life ne font absolument rien pour régler le problème d'armes à feu qui y sévit et qui fait des milliers de victimes innocentes par an, dont plusieurs issues de fusillades dans les écoles, des églises et autres lieux publics. Ils sont également pour la peine de mort, mais se disent pro-life. Allez savoir! Ils ne font pas grand chose non plus quand cet enfant vient au monde et il est demandé à la mère de s'en occuper. D'ailleurs, cette frange là de la population est généralement contre la couverture santé accessible à tous et assurée par l'Etat. De plus, rendre l'avortement illégal c'est aussi le risque de voir les pratiques dignes des pires boucheries reprendre le dessus car qu'on se le dise, les avortements continueront. Ils ne seront simplement plus tous pratiqués par des personnes compétentes, des médecins qui auront peur de se retrouver en prison ou de perdre leur licence. Les pratiques clandestines gagneront donc du terrain. On peut aller d'incongruité en incongruité et ne pas en finir. Arrêtons donc nous là.


Il s'agit à mon avis d'une guerre faite aux femmes. Une guerre ouvertement déclarée à l'indépendance et l'autonomie des femmes. A la possibilité qu'elles ont de gérer leur vie comme bon leur semble car je ne trouve pas beaucoup d'explications à cela. Si vous en avez, je suis preneur. C'est une question de contrôle, d'hommes qui ne veulent pas lâcher l'emprise et le pouvoir qui leur échappent. Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à occuper l'espace public avec ce sujet. En Espagne il y a quelques années seulement, l'opinion publique a été fortement divisée sur un projet de loi anti-avortement. En France, sous l'égide, le dévouement et la passion de Simone Veil, les femmes ont le droit d'avorter depuis 1975. Cela n'empêche pas que de nombreuses associations mais aussi que des politiciens de certains bords souhaitent revenir sur ce droit. Je pourrais citer de nombreux exemples de pays sur ce sujet. On n'en finirait pas.


L'avortement n'est pas un sujet aisé et même en étant pro-choix comme je suis, je le sais. Pour des raisons très souvent religieuses donc, liées à la foi, à un aspect personnel de la vie de chacun, ceux qui sont contre l'avortement estiment que dès le premier jour de la grossesse, un bébé est formé et a le droit de vivre et pratiquer un avortement serait le tuer. Soit. Cela peut s'entendre. Mais revenant sur ce que j'ai mentionné, la foi est propre à chacun, elle est personnelle. Ce en quoi je crois n'a pas à avoir d'incidence sur la vie de celui qui ne croit pas ou même croirait mais choisirait quand même de faire autrement que moi. Je n'ai pas à imposer ma vision du monde sous le prisme de ma croyance à qui que ce soit. Comment je vois le monde à travers ma foi et ma religion ne regarde que moi et ce en quoi je crois. De plus, il y a une claire séparation entre l'Etat et l'Eglise (et tout ce qui s'y rapporte) donc, ma foi et ma religion n'ont rien à faire dans un débat étatique, politique. Que l'on soit clairs là-dessus. Jusqu'ici, je n'ai quasiment jamais entendu d'autre justification que celle-là sortir de la bouche de ceux qui sont contre. Je dis "quasiment" car en 32 ans d'existence, j'ai peut-être oublié un ou deux autres exemples. J'en doute fortement néanmoins.


Crédits photos - Rich Pedroncelli - AP


L'avortement n'est pas un sujet aisé car comme je l'ai dit plus haut, ce n'est pas de gaité de coeur qu'une femme décide d'en avoir un. On ne peut décemment imposer à une victime de viol de mettre au monde le fruit d'un acte barbare qui lui rappellera à tout jamais l'atrocité qu'elle aura vécue. Pense t-on à son bien et à celui de cet enfant à naître quand on lui impose un accouchement dans ces conditions? Non. Car le désamour peut être profond dans ce cas et emmener à des situations néfastes pour la mère et l'enfant. On ne peut décemment forcer une femme à accoucher s'il est clair que l'enfant à naître sera gravement malade, ce qui requerra probablement une vie de soins médicaux intenses donc un bouleversement véritable dans la vie de celle-ci. Si elle souhaite donner naissance dans ces conditions, libre à elle. Mais également libre à elle de ne pas le vouloir. On ne peut décemment pas imposer à une femme de mettre au monde un enfant dont elle ne pourra pas s'occuper. Simplement. Un enfant n'est pas un jouet, un caprice que l'on peut décider d'avoir à l'envi, encore moins forcer quelqu'un d'autre à en avoir. Un enfant c'est une vie de dévotion à un être que l'on souhaite de tout son corps et toute son âme, c'est une personne autour de qui notre vie va tourner, un être par qui tous nos choix de vie seront dictés car oui, avoir un enfant veut dire que votre vie ne vous appartient plus totalement. Alors non. On ne peut imposer cela à personne. Je vois venir l'argumentaire désuet: "Elles n'ont qu'à se protéger et faire attention". Je le vois venir et j'ai de la place dans ma corbeille pour celui-ci. Un enfant ne se fait pas seule. Une femme a besoin d'un homme pour cela ou du moins, de son sperme. Donc si elle devait se protéger, l'homme qui l'ai "aidée" à tomber enceinte aurait également dû le faire. Cet argumentaire est encore plus désuet et inutile quand on parle de viol. Bref. Restreignez-vous de l'utiliser en ce qui me concerne.


Bien qu'ayant une position assez ferme sur le sujet, je pense toutefois qu'un homme en couple avec une femme, a le droit d'être consulté sur le sujet. Pourquoi je parle de consultation notamment dans le cas de couple non marié? Il faut qu'il la rassure sur son implication dans l'éducation de l'enfant. Qu'il la rassure sur le fait qu'il sera présent,

émotionnellement et financièrement car ces deux aspects vont de paire. Il faut qu'elle soit sûre que le chemin ne sera pas fait seule, si jamais elle a des doutes et pense à avorter. Il faudrait qu'il ne se comporte pas en simple géniteur, donneur de sperme. Alors pour avoir aussi son mot à dire, il faudrait qu'il soit impliqué et dévoué.


Ce sujet j'en suis sûr ne fera jamais le consensus car il soulève en nous ou en tout cas, chez la plupart des personnes, une émotion vive qui peut être liée à une histoire vécue précise, à l'attachement qu'on a vis-à-vis de sa foi et des valeurs religieuses que l'on porte, mais aussi à nos convictions politiques et humaines. Il n'en demeure pas moins si cela n'était pas clair jusqu'ici, que je pense que ce n'est pas aux hommes de décider à huis-clos dans un espace confortable entre gens qui se comprennent, partagent les mêmes idéologies, du droit d'une femme à disposer de son corps. Jusqu'à ce que nous les hommes ayons un utérus, nous devons laisser les femmes décider sur ce sujet ou tout au plus, les écouter et les accompagner lorsque cela est nécessaire. Jusqu'à ce que cela arrive, nous ne devrions pas être en position de décider pour elles, sans elles. Agissons donc en conséquence.









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