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Le jour où j'ai quitté mon pays.

Dernière mise à jour : 25 avr. 2019


Partir ou ne pas partir? Telle est la question!


Oui, partir ou ne pas partir? Voilà la question qui s'impose à moi dans ce billet. Vous me demanderez partir où? Ne pas partir où? De quoi parle l'auteur (moi lol)? Eh bien, l'auteur parle de ce moment où nombreux d'entre nous ont fait le choix de quitter leur pays, leur terre natale pour des raisons diverses. Celles-ci peuvent être académiques, familiales, professionnelles ou d'autres ordres tels que dans le cadre d'asile politique par exemple. Il ne s'agira pas de s'étendre sur toutes ces raisons. Les lignes qui vont suivre portent principalement sur le premier motif cité, le départ dans le but de poursuivre ses études ailleurs. Il se peut que j'évoque les autres motifs. Enfin, si en cours de rédaction je n'oublie pas. On verra bien.


Pour de nombreux jeunes africains, il arrive un moment (très souvent l'année du Baccalauréat ou celle d'avant), où ils se posent la question de la suite de leurs études et précisément où est-ce-qu'ils effectueront celles-ci (ndlr, s'il est vrai que j'ai d'entrée de jeu dans ce paragraphe parlé de jeunes africains, les autres peuvent aussi se retrouver à certains égards dans ces lignes). Il s'agit d'une option qu'a un certain nombre. La majorité? Je ne pense pas car ne nous mentons pas, il est encore malheureusement difficile déjà pour de nombreuses personnes d'avoir un accès aisé à l'éducation et donc au suivi d'études notamment supérieures dans leur propre pays. Comment penser à partir? Personnellement, je pense que c'est une option que l'on devrait tous avoir. Mais ceci est un autre débat.


Comme je disais, Bac en poche, on veut partir. Pour moi le choix était simple: la France. Dans mon Douala natal (bon, pas vraiment. Je suis né à Bafoussam, à l'Ouest du Cameroun mais je suis arrivé à Douala à deux ans. C'est donc comme si j'y suis né. Bref.) et dans mon collège (Alfred Saker, l'ancien fleuron de Deïdo, quartier célèbre de Douala), c'était l'option la plus évidente. Pourquoi? Principalement à cause des liens historiques entre la France et le Cameroun. Liens qui sont partagés par d'autres pays africains francophones (mes frères ivoiriens ou sénégalais, je vous salue). Le signe le plus fort mais aussi le plus évident de ces liens? La langue. Aussi un certain nombre d'autres éléments. Bon... Certains me demanderont pourquoi la France et pas la Belgique? Mais plus loin, pourquoi la FRANCE donc l'Europe et pas un autre pays africain francophone comme la Côte d'Ivoire, le Mali, le Sénégal? Eh ben je leur dirais que le jeune Cédric que j'étais n'aurait pas honte d'avouer qu'à cette époque il voulait quitter son Afrique, comme beaucoup d'autres jeunes de son entourage et les mettrais au défi de m'en trouver un qui pensait le contraire. Je leur dirais aussi que le Cédric trentenaire d'aujourd'hui aurait probablement fait un autre choix s'il avait eu toutes les cartes en mains qu'il a aujourd'hui, ou probablement pas, justement parce qu'il les a. Oui, cette dernière phrase est difficile à suivre. Mais je n'ai pas trouvé mieux (il est 23h au moment où j'écris ces lignes. Ayez pitié!). Ce qui m'emmène aux raisons de ce départ.


Sans connaître les expériences de tout le monde, je pense en ce qui me concerne, que cette envie de départ était motivée par la sensation qu'ailleurs serait meilleur. Que nous recevrions une meilleure éducation. Il en a toujours été question pour moi. Je ne me voyais absolument pas étudier dans l'université de la ville où je vivais car je connaissais les conditions dans lesquelles celles-ci se passeraient et je n'en voulais pas. Je ne remets nullement en cause les capacités pédagogiques des professeurs mais bien le système qui les entoure. J'ai d'ailleurs été après mon bac étudier dans une autre ville en attendant de partir du Cameroun. Je suis allé à Buea, au Sud-Ouest du pays, région anglophone et région chère à mon coeur, où je suis resté trois ans. Je comptais y faire une année le temps de monter mon dossier pour une université française. Mais le cadre dans lequel nous étions, le suivi pédagogique ainsi que les amis que j'y ai rencontrés m'ont poussé à rester. J'y aurais effectué mon Master si malheureusement à cette époque-là le cursus ne s'arrêtait pas en licence. Bon. Je suis parti. Quelques mois après mon graduation, j'étais en France. J'occulte volontairement mon passage à Soa (petite localité près de Yaoundé dans le Centre du Cameroun, où se trouve l'Université de Soa) le temps de faire mes papiers. J'ai détesté. Plus que tout.


@photo credit Google photos


La France donc, plus précisément Nancy, en Lorraine. Une nouvelle culture, un nouvel environnement, le froid, un ciel constamment gris quand il ne pleut pas, être le seul noir dans la plupart des endroits où je me retrouvais ou être content d'en voir un autre de temps à autre... Bref, une nouvelle vie que je sais ne pas être le seul à avoir expérimenté. L'adaptation au climat, aux gens, aux habitudes alimentaires. Faire face à de mauvaises blagues souvent racistes mais déguisées sous l'aspect d'une certaine drôlerie qui m'étonnait, s'entendre dire qu'on parle très bien français (pour la première fois de ma vie et je ne pensais pas que c'était une qualité) par des français. Je ne saurais vous décrire ce que j'ai pensé et ressenti la première fois que j'ai entendu ça. Donc, Nancy. Pour d'autres #Paris, Lyon, Strasbourg, Bruxelles, #Londres, Stockholm, #New-York, Dakar, Cape Town car non, cette #immigration ne se limite pas qu'à la France.


Il s'agit quel qu'il en soit, d'un déchirement certain au moment du départ. Je me souviens de l'excitation et de la joie que j'ai eues lorsque mon visa m'a été accordé. J'étais avec un de mes meilleurs amis, Henri, et lui comme moi étions contents. Il fallait faire vite, faire des courses, acheter des vêtements chauds car je devais débarquer en France au mois de Septembre. Tout a été fait et me voilà à faire des au revoir à quelques amis très proches venus m'embrasser. Ma mère m'a accompagné jusqu'à la salle d'embarquement et à ce moment précis, je ne voulais plus partir. Vraiment plus. Je l'ai embrassée malgré tout et me suis rapidement retourné pour ne plus la regarder car je sentais les larmes monter et prêtes à tomber. Pourquoi ce sentiment? Je reviens à ma question d'introduction: partir ou ne pas partir? Et plus loin, pourquoi partir?


Je me voyais quitter un monde que je connaissais parfaitement, quitter mes repères, ma famille, mes amis, mon quartier, ma maison et ce pour une terre inconnue. J'avais en tête des dizaines de gens qui sont partis et qui ne sont jamais revenus et je me demandai à cet instant si c'est ce qui m'attendait, si je reviendrais un jour au #Cameroun. Moi qui étais tellement pressé de voir un autre ciel, me voilà qui ne voulais plus quitter celui de Douala avec son soleil qui nous veut parfois du mal, ses benskineurs (motos-taxis) mal élevés mais qui nous sauvent en temps d'embouteillages, ses routes douteuses et un tout plein de choses qui bizarrement commençaient à me manquer avant même d'avoir mis un pied dans l'avion. Je me demandai ce qu'il adviendrait de ma vie en France: si j'allais réussir mes études car c'était la raison de mon départ, si j'allais rester pour y travailler et bâtir ma vie. Ces perspectives sont passées dans ma tête en une fraction de seconde et je me suis dit: oui tu pars, mais reviendras-tu?


Je pense une fois de plus ne pas avoir été le seul dans cette position. Nous qui sommes partis, avons le mal de nos terres. Enfin, je pense que la plupart d'entre nous l'a. Les raisons des départs tels que je l'ai mentionné sont nombreuses et sont toujours justifiées selon le point de vue de la personne qui part. Les études, un mariage, un boulot intéressant, ou simplement l'envie d'une vie que l'on pense meilleure ailleurs que sur nos terres. Ces motifs sont partagés par tout le monde et ne sont j'en suis sûr l'apanage de personne. Les africains partent. Les européens quittent leur terre que ce soit pour des migrations intra-Europe facilitées par les accords Schengen mais aussi pour les étudiants par le système Erasmus. Les asiatiques vont voir ailleurs dès qu'ils le peuvent. Les américains aussi. Après, je n'ai pas de chiffre sur les proportions selon chaque continent mais ma petite expérience m'a montré que les français (je vis là donc je les côtoie plus), reviennent très souvent chez eux après des semestres passés à l'extérieur. Les américains, les asiatiques que j'ai pu voir en France lors de mes études, rentrent chez eux. Pas tous, bien évidemment. Certains trouvent des opportunités professionnelles ici et restent, ou bien font des rencontres qui se soldent en mariage. Motifs suffisants pour rester. Mais d'après mon expérience, les retours sont plus fréquents que les nôtres. Pourquoi?


Je n'ai pas la science infuse ni une réponse exacte qui s'appliquerait à tout le monde. Je peux avancer pour le natif du Cameroun que je suis que penser au retour c'est aussi penser à ce qu'on ferait une fois qu'on serait rentré. Va t-on trouver rapidement un emploi? Si non, que va t-on faire mais aussi que va t-on penser de nous? Avoir dépensé tout cet argent afin d'investir dans des études à l'étranger et pourquoi? Du coup, on s'accroche et on cherche à se bâtir une vie ici (ou là bas pour ceux qui sont dans d'autres contrées), une première partie de carrière en se disant qu'un retour auquel on adosserait quelques cinq ou six années d'expérience serait plus fructueux. Et voilà qu'au bout de ces cinq ou six années on décroche de nouvelles opportunités juteuses toujours en France, en Belgique ou en Angleterre. On est séduit, on les accepte et on reste. A cela se rajoutent les rencontres personnelles. On trouve quelqu'un sur notre chemin, on décide que celui-ci on va le faire ensemble, on se marie, on fait des enfants qui commencent à grandir ici. Voilà que dans notre équation à une inconnue (nous), on en a rajouté d'autres (conjoint/e + enfant/s). La décision d'un éventuel retour devient plus que jamais étriquée car le ou la conjoint(e) a aussi ses envies qui peuvent ne pas être les vôtres à savoir, rentrer. Et je ne parle même pas du fait que votre partenaire puisse être natif/ve du pays où vous vivez. Alors là, l'équation devient presque impossible à résoudre, à quelques infimes exceptions près. Il faut le ou la convaincre de se détacher de sa terre tel que vous l'avez fait et de vous suivre dans ce retour qui sera un commencement pour lui/elle, commencement que vous avez effectué bien des années avant quand il était probablement plus facile de faire ce choix. Bref. C'est compliqué.


Partir ou ne pas partir, il faut se poser la question. Pas pour nous qui l'avons déjà fait mais pour ceux qui n'ont pas encore expérimenté cela. Retourner d'où on vient? Voilà qui me semble approprié. Comment? Je ne sais pas. Quand? Je ne sais non plus s'il y a un moment parfait, un timing idéal. Pourquoi? Parce qu'il est peut-être important de toujours se souvenir de sa terre et parce qu'on n'est jamais mieux que chez soi. Cette expression prend tout son sens quand on a connu le détachement et qu'on revient sur ses pas, même pour quelques semaines ou mois de vacances. À la fin, c'est un choix personnel qui ne doit être jugé par personne et à chacun de faire ce qui correspond le mieux à ses attentes.


Céd.

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